PETITS MOMENTS DIFFICILES

Nous sommes allés au jardin cueillir notre repas du soir.

Claude a posé notre récolte près de l’évier,

Une bonne odeur de fruits et de légumes mêlés,

Que domine puissante celle du basilic,

Embaume notre cuisine.

Comme la vie pourrait être douce

Si une douleur n'était venue comme souvent

Gâcher ces instants précieux.

Elle est là, lancinante,

Montant de mon pied, que je me suis légèrement tordu,

Vers mon genou, ma hanche,

Je sais que tout à l'heure elle gagnera mon dos

Et que je ne serais plus que souffrances.

Pourvu que je ne sois pas un cri,

Que je garde pour moi seule ma blessure,

Que je ne lui fasse pas mal.

J'ai tant de peine devant son visage blême,

J’aime tellement son rire.

Pour l'instant il ne s'est aperçu de rien,

J’ai trouvé la force de plaisanter.

Il m'a trouvé un nouveau surnom

« Mon bout de chou » moi qui suis grande !

Ça nous fait rire, il nous faut peu de choses...

Que d'imagination pour trouver toujours et encore

Des sujets de divertissement depuis tant d'années.

Combien exactement ? Je réfléchis,

70 ans que nous nous connaissons,

65 que nous nous aimons

Et 56 que nous sommes mariés ! C'est fou, non ?

J’écris, je divague pour ne pas sentir mon corps à la dérive...

J'essaie une pensée positive :

« Demain j'irais mieux et je monterai à l'assaut de la colline. »

Je ne veux pas crier, je ne veux pas crier !...

Finalement je n'ai pas crié,

Mais ce matin je n’ai pas gravi la colline,

Sagement j'ai fait un petit tour dans la plaine.