DIALOGUES DE REVEURS

Publié le par La fée Carrabosse



- Où vont nos rêves, mon amour ?
- Ils s’envolent vers l’immense mer de l’oubli… C’est le sort commun des rêves qui nous viennent en dormant. Les autres que l’on porte longtemps plein d’espoir, un jour meurent usés par le temps. Enfin, les plus beaux sont ceux qui se réalisent.
- J’en connais un merveilleux que  fit une petite fille. Te souviens-tu, mon amour, de cette année 1943 pleine de fureur et de drames, de malheurs et de morts ? Ce fut, pour nous, le plus bel été de notre vie. J’avais 10 ans et toi 12 à peine lorsque nous nous sommes embrassés dans tous les fourrés de notre village. Nous étions sur un nuage, enfants de la guerre mûris trop tôt, si heureux, de ce bonheur sans mélange que connaissent tous les amoureux à l’aube de leur amour. L’ai-je fait en dormant ou dans mon demi-sommeil d’enfant ce rêve récurrent ? Un jour nous nous marierions, j’aurais une jolie robe blanche encore plus belle que celle de ma communion, nous aurions des enfants, d’abord un petit garçon qui te ressemblerait, puis une petite fille toute pareille à moi et nous habiterions une petite maison grande comme le cabanon d’Allibert. Te rappelles-tu de ce court-métrage que nous avions vu au Livry-ciné ? Il ne répond pas, mais il chante : « un petit cabanon pas plus grand qu’un mouchoir de poche…»
J’avais 19 ans quand nous nous sommes mariés, Marc est né très vite et Catherine quelques années plus tard. Ils sont exactement comme je les avais rêvés. Nous avons vécu heureux dans notre petite maison coubronnaise, puis dans d’autres sur la côte d’azur, pour assouvir nos envies de soleil.
- Est-ce possible cette longue histoire d’amour ? C’est vrai, vraiment vrai qu’il y a deux ans déjà que nous avons fêté nos 60 ans de mariage ?
- Oui, mon amour.
- Tu es sûr que je ne vais pas m’éveiller ?
- Ce serait merveilleux, tu aurais 10 ans et moi 12 à peine et nous recommencerions tout.
- Tout pareil ?
- Oui, tout pareil, mon amour.

Publié dans Courte nouvelle

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