LES ENFANTS DANS LA GUERRE (2) -1943 -

Publié le par La fée Carrabosse




A L’ASSAUT  DE  LA …


Je reprends sans joie le chemin de l'école, monte en  classe de fin d'étude. Notre maître ancien professeur de lycée a accepté ce poste pour s'éloigner de la capitale et de ses dangers. C'est un homme poltron qui descend à la cave, à la moindre alerte. Il s'y précipite en tête, si vite qu'il lui arrivera de s'écrouler sur le tas de charbon. Quelle rigolade ! Un samedi, dans un sifflement précurseur un avion s'écrase sur les coteaux de Bernouille. Il crie : "les enfants, tous à terre" et s'étale de tout son long entre les tables, suivi de quelques élèves craintives. Nous nous précipitons aux fenêtres, commentons la chute et décidons de nous rendre sur place le jour même puisque nous n’avons pas étude.
  L’engin est là, juste où nous l'avions situé, terrible enchevêtrement de ferraille, portant encore, dérisoire, sa croix gammée. Aux branches pendent une botte, des lambeaux d'uniformes et de chair humaine. Nous inspectons les lieux indifférents à la mort, ce ne sont que des Boches ! Nous fouillons les restes de l'appareil. Les garçons découpent d'épaisses lanières, dans le cockpit, fait d'une matière inconnue de nous, souple, translucide qui brûle comme un brandon.
 Le lundi, à la sortie du cours, nous improvisons une retraite au flambeau. Une jeune fille marche à quelques pas devant nous, s'élançant, Claudet s'écrie : "A l'assaut de la gonzesse". Les gars brandissant leur torche enflammée, la serrent de si près que ses cheveux roussissent. Affolée, elle s'enfuit en pleurant.
 Le lendemain matin son père viendra se plaindre au maître de service. Dès que nous sommes installés, il arrive, soignant son entrée, et entreprend de nous raconter la scène : "... et Daumas a crié à l'assaut de la Comtesse ou de... je ne me rappelle plus". Le tout avec son inimitable accent du sud-ouest. Nous buvons du "petit lait", Claudet aussi, il adore être en vedette mais M. le Directeur va lui infliger la pire des punitions : aller présenter ses excuses à la demoiselle. J'aurais bien voulu être petite souris lorsqu'il frappa à sa porte...

(Extrait du Château de Cartes)

Publié dans Extrait de roman

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